Article : Surmoi, source de bien-être ?
Updated: Apr 13, 2022
Aborder le Surmoi sans tenir compte de l'Idéal du Moi, des désirs et des frustrations serait évacuer le fondement sur lequel il s'appuie pour prendre forme.
Aussi, lorsque l'on tente de comprendre pourquoi ce Surmoi est source de bien être, c'est revenir aux frustrations et à ce que joue le rôle du Moi Idéal, puis de l'Idéal du Moi dans cette constellation.
Le Surmoi est effectivement source de bien-être, néanmoins, le juste équilibre est requis, car, à trop vouloir le satisfaire, c'est aussi renoncer à ses propres désirs. Nous parlons ici de l'équilibre entre le Ça, le Moi et le Surmoi, tout comme celui-ci est nécessaire entre le Conscient et l'Inconscient.
Voyons en premier lieu comment le Moi Idéal évolue en Idéal du Moi pour découvrir ensuite ce que sont le rôle et les enjeux du Surmoi et sur quels éléments il a pu prendre forme. Enfin, quelles angoisses, quelles névroses, quelles pathologies peuvent-elles surgir lorsque l'équilibre dont nous avons parlé précédemment n'existe pas.
1/ DU MOI IDEAL à L'IDEAL DU MOI
Si le Moi est le médiateur entre les différentes instances, il est aussi celui qui ramène au principe de réalité.
Il permet de lutter contre le déplaisir en instaurant des mécanismes de défense : évitement, négation, formation réactionnelle, fantasmes, inhibition, intellectualisation, ….
Selon Anna Freud, " Si le Moi échoue dans sa fonction, une névrose s'installera ". Finalement, le principe d'équilibre est constant, car il en va de même au niveau du Surmoi trop fort, ou trop faible.
Ainsi le Moi est-il celui qui contrecarre le principe de plaisir et force quelque part l'individu, à y renoncer, tout du moins, si tel n'est pas le cas, à aménager ses désirs dans le contexte de réalité : " Il tend vers l'utile et s'assure contre les dommages ". (S. Freud repris par Laplanche et Pontalis).
Freud décrit le Moi comme étant « coincé entre les exigences du Ça, la sévérité du Surmoi et les contraintes du monde extérieur ». Ces trois instances ou lieu, provoquant des conflits générateurs d'angoisse.
Le Moi intègre les premiers objets ou leurs résidus et se construit en réagissant à la double identification « sois comme ton père, ne sois pas comme ton père ». (Psychanalyse - Editions Puf direction Alain de Mijola).
A noter que le Moi n'est pas que psychique, il intègre les sensations corporelles et la perception du monde extérieur.
L'Idéal du Moi va se construire sur un narcissisme primaire en premier lieu : l'amour de soi et sa toute puissance. Alors que le temps passe, le Moi Idéal va prendre forme. Le Moi va donc intégrer les interdits et le narcissisme primaire puis va laisser sa place, petit à petit au narcissisme secondaire qui privilégiera, lui l'amour des autres.
Le Moi Idéal va permettre à l'individu de se construire une bonne image de lui même, image elle-même renvoyée par les autres.
2/ LE SURMOI – La symbolique du Jugement
Le Surmoi définit les voies et moyens pour atteindre les objectifs de l'Idéal du Moi. Il représente la Loi intérieure qui nous dit, ce qui est bien, ce qui est mal, ce que l'on doit faire, ce que l'on se doit de faire. Il prend forme au début du « Non », dans l'interdiction, et dans le « stop et fin » de la mère au début de l'existence. Ce sont les « Fais-ci, fais-ça, ne fais pas ci, ne fais pas ça, c'est mieux si, ... » des parents ou de l'image parentale.
Mélanie Klein a situé le tout premier développement du Surmoi dans la toute première enfance, lorsque les parents sont encore ceux qui mordent et dévorent, tout comme le tout petit enfant, mord et dévore aussi. Ce serait la source originelle de la formation du Surmoi.
L'éducation parentale ou d'autres parents ou responsables, l'éducation sociétale lorsque l'enfant commence à évoluer dans le groupe, l'éducation religieuse, … participent donc de l'élaboration du Surmoi.
Ce Surmoi regroupe ainsi les interdits et nous permet de vivre en groupe. Il s'agirait donc de notre « conscience morale » comme a pu l'avancer Freud. Il est le « bloquant » de nos pulsions.
Mais le Surmoi ne se contente pas de ce qui est précédemment écrit, en effet, il considère en premier lieu les interdits universels : inceste, cannibalisme, … ou des interdits culturels selon les communautés : rituels alimentaires, …
Il se situe entre le Ça d'où émanent les pulsions archaïques et le Moi, d'où émergent la raison et le rationnel et qui met de l'ordre dans les pulsions en les adaptant et en aménageant les désirs venus du Ça.
Le Surmoi, va jouer un rôle « d'entre deux ». Il domine le Moi et interdit les désirs venus du Ça. Si le Surmoi « naît » quasiment en même temps que l'enfant, il se consolide au moment du Complexe d'Oedipe et fait travailler sur la différenciation qui existe entre les membres parentaux, ceux de la fratrie, et les membres extérieurs à la famille.
Le « Non fondamental » prend alors forme au sein de la famille, et les interdits sont alors intégrés : Il n'y a pas de rapport sexuel avec sa mère ou son père qui puissent exister, ni avec ses frères et sœurs, ni avec des adultes, ... On ne dort pas avec ses parents, on ne coupe pas la parole, …
C'est là que prend toute l'importance du complexe d'Oedipe. Une instance née de l'agrégation et l'introjection des interdits posés par les parents comme celles de la société. Il y a par ailleurs un aspect trans-générationnel du Surmoi, puisque l'éducation transmise à ce niveau par les parents ou représentants familiaux, est elle-même issue d'éducation déjà transmise.
Le Surmoi est donc notre rempart à toutes nos pulsions, qu'elles soient de vie ou de mort. Nous sommes donc partagés entre amour, sexualité, mouvement et destruction. Nous sommes confrontés à la conservation et à l'immuable.
L'accès à la culture et à la réflexion intellectuelle serait quelque part ce qu'il advient lorsque les phases successives de construction du Surmoi ont été dépassées sans difficulté. La substitution de la jouissance instantanée ferait aussi place à d'autres bénéfices, culture, sublimation, créativité artistique.

3/ SURMOI FAIBLE – SURMOI TROP FORT Entre dire et ne pas dire « Non ! » - Angoisse, névrose, pathologies
Une éducation laxiste ou trop sévère participent du déséquilibre entre le Ça, le Moi et le Surmoi. Par exemple, chez les névrosés, il engendre de la culpabilité, il favorise l'inhibition, les tourments, les angoisses. Notamment l'angoisse de castration qui représente la symbolique de la « punition ». C'est une angoisse Surmoïque venant contrer un désir interdit.
Le conflit névrotique est nécessaire, car il permet de vivre en groupe, de tenir compte des autres, d'avoir un comportement adapté, de faire preuve d'auto critique. Mais il peut favoriser aussi la dépréciation de soi chez le mélancolique ou le sentiment d'angoisse chez les obsessionnels.
Que signifie « Ne pas dire « Non » ou trop dire « Non » à l'enfant durant sa construction ? »
Dire « Non » peut être perçu par l'Autre comme si celui qui dit « Non » a un pouvoir absolu. C'est lui qui « sait » et c'est lui qui « dit ». Dire « Non », c'est refuser la jouissance à l'Autre, c'est tout du moins ainsi que « l'Autre » le perçoit.
Mais dire « Non » c'est aussi créer le manque chez l'Autre, donc c'est créer la « Frustration ». Ce processus permet à l'enfant de passer du perçu au symbolisme. Si les parents ne posent pas d'interdits, l'enfant n'a pas de cadre, ce qui peut le mener jusqu'à la violence. Et puis, si les interdits sont flous, inconstants, et ressemblent plus à des conseils, l'enfant, se retrouve dans une incertitude permanente où l'interdit existe bien mais où il est peu représentatif du cadre.
Néanmoins, le Surmoi n'est pas un récipient que l'on peut remplir à souhait (J.C. Betram, Psychanalyste). Il n'est pas fait d'un matériau qu'on peut modeler à tout âge. Il est donc nécessaire d'éduquer et de continuer de le faire sans attendre les moments de rupture avec l'environnement familial (ou scolaire d'ailleurs) pour commencer à dire « Non » .
Mais le « Non » n'est pas négation de l'Autre. Il est important que l'équilibre existe. Dire à l'enfant « oui, tu es ceci » permet de dire aussi « non, tu n'es pas que ceci » tout comme « oui, tu peux faire ceci » permet de dire aussi « non, tu ne peux pas faire ceci ». Cet ensemble permet justement l'équilibre recherché.
S. Freud, lorsqu'il traitait de la normalité ou de l'a-normalité disait que : « Nous postulons l'existence d'une âme collective dans laquelle s'accomplissent les mêmes processus que ceux ayant leur siège dans l'âme individuelle ».
Cette formule est intéressante lorsque l'on s'interroge sur le type de Surmoi qui représente une partie obscure de l'humanité. En effet, d'où émergent les guerres, les viols, les tortures, … Est-ce que le Surmoi individuel est escamoté par un Surmoi de groupe ou est-ce que des pans entiers de population ont subi, subissent des déséquilibres des trois instances dans la construction individuelle. Il y a matière, ici à tendre vers une autre problématique.
Conclusion
Fort heureusement le Surmoi est changeant et mobile. Fuir ses parents pour s'éloigner des interdits qui emprisonnent, n'est pas la solution, car les parents restent dans les bagages. Se détester parce qu'on continue à les aimer est souvent inévitable et l'éloignement physique n'amène pas d'éloignement psychique.
Le Surmoi dépend de son environnement, extérieur, il est de nature dynamique (Vincent Estellon). L'individu s'identifie successivement à d'autres symboles parentaux qu'il admire et idéalise. S'approprier leurs traits et leurs limites, c'est quelque part, s'éloigner des premières souffrances liées à son premier cercle intime et c'est surtout se réapproprier un nouvel espace vital ou la culpabilité a moins de place.
Dans la société actuelle, le cadre existe mais les limites sont vites franchies. Le droit individuel l'emporte bien souvent sur le droit collectif.
Si le droit de chacun s'arrête à celui de l'autre, rien n'apparaît plus dans la société d'aujourd'hui qui semble avoir laissé une place infinie au droit de l'individu que chacun revendique alors que le cadre collectif est plus que jamais réclamé.
Ce paradoxe, cette ambiguïté, font payer chers le rythme des angoisses et des anxiétés qui n'ont de cesse que de se manifester au gré des aléas sociétaux.